La 29 e édition du festival du Far n'échappe pas à la recrudescence des fausses conférences. Deux compagnies utilisent ce format dans leur création.
cgavlak@lacote.ch
Au théâtre, les fausses conférences ont la cote. Dans ce genre, le Far a programmé cette année "Conférence de choses", de la 2b company, et "Pouvoir du point", de la Compagnie de Genève. Dans la première, Pierre Mifsud passe d'une définition à l'autre, toutes issues de Wikipedia, pour un exposé sans queue ni tête. Également inspiré de l'encyclopédie participative, "Pouvoir du point" est le fruit du travail des artistes associés. Installés sur une longue table, chacun derrière son ordinateur, les trois acteurs parcourent un abécédaire alambiqué, diapositives PowerPoint à l'appui.
Face-à-face avec le public
Avec une adresse on ne peut plus directe aux spectateurs, les comédiens donnent chair à cette immense "virtualité organisée" qu'est Wikipédia, selon les mots de Danielle Chaperon, vice-rectrice de l'Université de Lausanne, enseignante en dramaturgie. "C'est une encyclopédie collective, mais les auteurs sont inconnus. En l'incarnant, ces fausses conférences se focalisent sur la co-présence physique des acteurs et du public."
Pour François Gremaud, metteur en scène de "Conférence de choses", c'est un retour aux fondamentaux du théâtre. "Le comédien joue avec un minimum de décor: une table, une chaise, une carafe d'eau." Pour le Lausannois, cette configuration donne du crédit à celui qui parle. "Ces pièces dérivent souvent vers des monologues absurdes, qui en font d'étranges expériences. La fausse conférence se situe à la frontière entre réalité et fiction." Et plonge le public dans une certaine ambiguïté. Est-il face à du jeu ou de l'improvisation?
Pour Danielle Chaperon, ce genre de pièces, souvent humoristiques, n'est pas nouveau même si l'on observe une recrudescence ces dernières années. Et de citer d'illustres textes, comme "Les méfaits du tabac" d'Anton Tchekhov ou le sketch de Bourvil sur l'eau ferrugineuse. "En ce moment, au théâtre, l'adresse directe au public est un ressort courant , ajoute l'enseignante. Il y a les conférences, mais aussi les témoignages ou les récits par exemple."
Fragilité humaine
Résultat, sur scène, on voit un personnage qui, au lieu de vivre quelque chose, raconte ce qui lui est arrivé. L'intérêt de l'interprétation repose alors sur la fragilité humaine.
Pour la vice-rectrice, la particularité de la conférence est la remise en cause de l'autorité. "Les acteurs tentent de lézarder cette figure caricaturale, d'en trouver les failles. C'est une manière de se demander pourquoi certains imposent leurs connaissances aux autres."
Les deux conférences présentées dans cette édition du Far, à Nyon, jouent sur ce registre. Que ce soit en usant des tics de langage de l'orateur, en se coupant la parole ou en laissant poindre ou exploser un fou rire, les acteurs sèment le doute et paraissent vulnérables.