Même si ce n'est pas la solitude que l'on recherche à Paléo, l'effet de masse invite à des instants tranquilles.
On ne quitte pas son sac à main comme un petit chez soi qu'on emmène partout. On va aux toilettes toutes les demi-heures, pour s'échapper de la foule en mouvement. Il y a aussi les amis, avec qui on se réunit à une table, comme pour un barbecue à la maison. Bref, les manières de se sentir dans son élément, au milieu de la plaine de l'Asse noire de monde, ne manquent pas. Même sans y penser, même sans être agoraphobe, on éprouve par moments le besoin de s'isoler. Physiquement ou intellectuellement. Surtout lorsque l'on "fait toute la semaine".
Ceci n'a pas échappé aux organisateurs. Le site du Paléo est truffé d'endroits pour s'offrir des "temps calmes". La Ruche ou le Village du monde permettent aux spectateurs essoufflés de reprendre leur respiration. Mais ce ne sont pas les seuls.
Des espaces de détente
Sandra Rossier, responsable du secteur décoration, parle en experte. "Réfléchir à des coins plus tranquilles, au frais, avec des coussins par exemple, c'est dans notre cahier des charges durant l'année" , dit-elle. Fruits des réflexions: les espaces sans scène aux abords du Dôme, les mange-debouts de la zone Monic la Mouche ou les structures de la HES-SO, entre autres.
S i la responsable de la décoration se réjouit du fait que les "festivaliers puissent prendre possession de ces lieux" , le mot "intimité" la gêne. "Cela m'évoque un endroit caché... Et nous évitons les zones d'ombre où il pourrait y avoir des soucis." Le soir, ces endroits isolés, devenus obscurs, sont sous la loupe de la sécurité.
Nuit et jour, la recherche de calme ne concerne pas uniquement les familles. Les plus fêtards ont aussi besoin de pauses. Voire de pauses "pipi". Cette année, une dizaine de containers supplémentaires ont été installés pour les femmes. Et, pour toutes les toilettes, le visuel a changé. "Nous avons uniformisé le design des signalétiques aux couleurs officielles du Paléo, le violet et le vert" , détaille Sandra Rossier. Et d'expliquer que ces nouvelles structures camouflent les files d'attente. "Car ce n'est pas agréable de faire la queue au milieu des festivaliers."
L'isolement virtuel
Autre moyen de créer sa bulle: le smartphone. Qui rime avec intimité, mais aussi avec déconnexion du monde réel. Pour la première fois, Paléo offre cette année des zones wifi aux festivaliers (lire encadré). A voir le nombre d'appareils déjà utilisés pour photographier ou communiquer sur le site, ce service ne va-t-il pas détourner encore plus les festivaliers des concerts. "On peut aussi se dire que si on télécharge une photo plus rapidement, on passera moins de temps sur son téléphone" , rétorque Christophe Platel, responsable presse.
Au camping
Pour sortir de l'euphorie, faire un somme, ou une pause, le camping est situé à l'extérieur du site. Olivier Moeschler, sociologue de l'Université de Lausanne qui a eu l'occasion de se pencher sur Paléo, rappelle que "dans les moments plus décontractés ou informels du festival, ce genre d'endroits permet de retrouver une intimité ou une familiarité dans des petits groupes".
Le coordinateur du camping, Thomas Haenni partage cet avis: "Les campeurs se créent leur bulle entre copains dans la foule. Ils s'installent en cercle autour d'un trou pour le feu." Ce réflexe récurrent fait penser à la table basse au milieu d'un salon. Le responsable cite encore l'exemple d'une équipe de postiers, venus pendant des années, et qui posaient des géraniums autour de leur campement. "Beaucoup recréent leur petit jardin par des artifices."
Du côté des sanitaires du camping, il faut payer cher le prix de son intimité. L'attente peut être longue aux heures de pointes. Mais les installations ont évolué depuis l'ère des rideaux de douche transparents. Thomas Haenni rappelle aussi l'époque où tous se baignaient sous des jets, dans une grande cantine, avec ou sans maillot de bain.
Aujourd'hui, les campeurs ont des cabines fermées. Des moments de solitude précieux. "D'ailleurs, relève Thomas Haenni, au moment de la tempête de mardi soir, ce sont les premiers lieux qui ont été pris d'assaut." Certains se sont réfugiés à l'abri, avec toutes leurs affaires personnelles. Comme pour être seul au moment de la panique.