Les employés du secteur international ne seraient pas aussi privilégiés qu'on le pense.
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Fréquemment présentés comme responsables de tous les malheurs, les employés du secteur international (multinationales et organisations internationales) seraient, au même titre que les autres habitants du Grand Genève, dont fait partie le district de Nyon, victimes de la pénurie de logements. C'est la conclusion principale de "Logement et mobilité, L'impact du secteur international sur Genève et l'arc lémanique", publié par L'Observatoire de la Fondation pour Genève, une étude menée conjointement par l'Université de Genève, l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), l'Institut des hautes études internationales et du développement (IHEID) et l'Université de Lausanne (Unil). Il n'empêche que l'influence de ce secteur sur le marché immobilier de notre région est perceptible en tout cas dans la fixation de loyers de certains types de biens et dans le marché de la vente.
Sur La Côte, il est difficile de quantifier le nombre d'employés du secteur international. Un sondage effectué par l'étude précitée permet d'estimer la répartition des internationaux* vivant en Suisse. En dehors du canton de Genève (27%) et la France voisine, ces employés résident pour la quasi-totalité dans le canton de Vaud (25,3%) - le reste habite surtout le canton de Fribourg (1,4%) ou encore le Valais. Si aucune statistique n'a été établie sur leur présence dans notre région, "il est fort vraisemblable que La Côte est particulièrement concernée" , confirme Vahan Garibian, économiste, attaché de recherche au Laboratoire d'économie appliquée de l'Université de Genève. "Leur présence a très probablement influencé le secteur de la construction et il n'est pas dit que l'offre de logements aurait été aussi importante si le secteur international ne s'était jamais implanté à Genève" , avance Vahan Garibian, coauteur également de l'étude.
"Des vaches à lait"
Si l'étude de L'Observatoire de la Fondation pour Genève estime que les internationaux n'ont que peu d'impact sur le marché du logement, celui-ci atteindrait 12%. "Pour le canton de Vaud, il faut relever que si les internationaux résident principalement dans les districts de Nyon et de Morges, la demande est proportionnellement un peu plus importante que dans le canton de Genève. Nous avons évalué environ moitié moins de résidents internationaux à La Côte qu'à Genève pour une population de La Côte un peu inférieure à la moitié de la population genevoise. Il est probable que l'influence soit plus grande qu'à Genève. Localement, sur certains territoires, comme Terre Sainte et Nyon, l'effet sur le marché du logement est beaucoup plus important" , évoque-t-il.
Aussi bien pour le canton de Vaud que celui de Genève, les internationaux forment une manne pour certains propriétaires: "On peut raisonnablement faire l'hypothèse que les internationaux sont surtout les vaches à lait de propriétaires faisant monter les enchères" , estime Manouk Borzakian, chercheur au Laboratoire Chôros, EPFL et coauteur de l'étude. En effet, l'étude calquée sur la réalité genevoise a montré que la législation possède une régulation très stricte par rapport aux montants du loyer, qui ne peut fournir un rendement sur le capital de plus de 0,5% supérieur au taux hypothécaire, soit 2% actuellement. "Cette règle n'est pas souvent respectée, ce qui entraîne un fractionnement du marché du logement , révèle Vahan Garibian. Les logements qui respectent la législation constituent de bonnes affaires pour lesquelles la demande outrepasse largement l'offre, laissant la liberté aux propriétaires ou régisseurs de choisir le locataire." D'autre part, les augmentations de loyers sont beaucoup plus importantes lors d'un changement de locataire. "Elle est d'environ 15% par année, contre moins de 2% lorsque le locataire reste le même. Les employés internationaux étant établis depuis une durée plus courte en moyenne subissent également ce handicap" , ajoute Vahan Garibian.
Les employés internationaux sont très nombreux à se tourner vers la France voisine ou le canton de Vaud pour trouver un logement. En effet, ils sont 45% à s'orienter vers un logement à l'extérieur du canton de Genève. Par ailleurs, ceux-ci (surtout les employés de multinationales), se tournent plus volontiers vers le canton de Vaud en particulier, alors que l'ensemble de la population active à Genève fait plus fréquemment usage du marché français.
* Les taux indiqués reposent sur les données récoltées auprès des internationaux ayant répondu au questionnaire.