Christian Streit aime l'effervescence de cette période des récoltes.
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"C'est une période que j'aime beaucoup. On a devant soi le résultat du travail effectué durant toute une année. J'éprouve toujours une certaine reconnaissance envers ce que la nature nous a donné. Et c'est chaque année différent, c'est ce qui fait le charme de notre métier: on dépend de la météo, on n'a pas d'agenda" , lançait vendredi dernier Christian Streit, du haut de son impressionnante moissonneuse-batteuse de 12 tonnes.
L'agriculteur aubonnois n'est pas le seul à aimer cette période de moissons: les enfants et les amis tiennent à faire un tour à bord de la machine et les animaux sont à l'affût d'une proie. "Il n'est pas rare que l'on fauche avec un ou deux renards à côté de la batteuse en attente d'attraper une taupe ou que l'on assiste au vol plané d'une buse ayant repéré un rongeur" , raconte-t-il.
Le retour des conditions estivales de la semaine dernière avait lancé le ballet incessant, de jour comme de nuit, des moissonneuses-batteuses sur La Côte.
Une semaine d'avance
Si les agriculteurs fauchent en continu, c'est une fois encore pour se calquer sur le rythme de la nature. "Une fois le blé mûr, soit à une humidité de 14,5%, ce qui définit le début et la fin du battage dans la journée, c'est le point de rosée. Si l'on fauche quand il y a trop d'humidité, la paille sera comme du chewing-gum et les moissonneuses ne feront plus du bon travail. La journée idéale est quand il y a de la bise le matin et le soir car il n'y a pas de rosée, ce qui nous permet de travailler de nuit" , explique l'agriculteur aubonnois.
Le 15 juillet, la récolte du blé commençait déjà près des rives lémaniques. Christian Streit a mis en branle sa moissonneuse-batteuse jeudi 17, à 17h et n'a pas arrêté jusqu'à samedi soir. "On a environ une semaine d'avance, ce n'est pas vraiment exceptionnel" , commente-t-il.
Si tout a poussé plus vite en 2014, l'automne très humide a laissé quelques traces sur les cultures, comme en témoignent d'infimes portions du champ de Christian Streit. Le blé planté au printemps s'est noyé dans les mouilles, a pourri, et a été remplacé par de la mauvaise herbe à certains endroits. Son blé a reçu un seul herbicide sur la saison et a poussé sans fongicides, ni raccourcisseurs, recevant de l'engrais sous forme de compost et d'engrais minéral.
Avec la force de frappe de son "bolide", ses 21 hectares de blé et de pois ont été coupés en trois jours. "La batteuse fauche 1,5 hectare à l'heure" , explique-t-il.
En première classe
Même si la machine qu'il partage avec deux autres agriculteurs a déjà 20 ans au compteur, le confort y est incomparable, l'habitacle y est climatisé. "Dedans, on est en première classe" , rigole Adrien Streit, papa de l'agriculteur, qui aime lui aussi piloter la batteuse. "On apprécie, j'ai commencé - j'avais 13 ans - avec de vieilles batteuses sans climatisation ni cabine" , confirme Christian Streit.
Hormis l'avantage de jouir de la fraîcheur et de l'absence de poussière de blé, la moissonneuse est dotée d'un système électronique qui donne toutes sortes d'indications indispensables à l'agriculteur: dysfonctionnement de la machine, taux d'humidité de la céréale et avancement du remplissage de la trémie (le réservoir), notamment. "Il faut régler la machine selon la variété de céréale et selon sa qualité du moment", explique Christian Streit.
Vendredi dernier, les conditions de fauche étaient bonnes mais le sol faisait l'objet de beaucoup d'attention de la part de l'agriculteur (lire encadré) : "Il est encore mouillé: il faut vider la batteuse plus souvent (la trémie a une capacité de 4 tonnes) pour éviter qu'elle ne devienne trop lourde et ne marque le sol", indiquait l'agriculteur.
JOCELYNE LAURENT (TEXTE) GLENN MICHEL (PHOTOS)