L'évolution de la situation inquiète une élue écologiste...
info@lacote.ch
Le suicide des personnes âgées suit une tendance à la hausse. Avec le vieillissement de la population, le phénomène va encore se renforcer. En particulier, le suicide assisté progresse beaucoup.
Les chiffres sont à prendre avec des pincettes. Mais l'évolution semble suffisamment sensible pour inquiéter la députée écologiste Céline Ehrwein Nihan, qui a interpellé le Conseil d'Etat à ce sujet. Depuis quelques années, le nombre de suicides chez les personnes âgées serait en hausse dans le canton de Vaud. "Ces données nous interpellent dans la mesure où elles témoignent visiblement d'une détérioration de la santé mentale et de la qualité de vie de nos aînés", écrit l'élue.
La tendance n'est toutefois pas évidente, relève le Conseil d'Etat dans sa réponse. "Il est très difficile d'analyser l'évolution des suicides chez les personnes âgées car le nombre de suicides est très faible: moins de 40 par année en moyenne chez les 65 ans et plus. Néanmoins, du fait du vieillissement démographique, le nombre de suicides et/ou de suicides assistés aura tendance à augmenter ces prochaines années."
Baisse trompeuse
En 2006-2007, les chiffres sont montés jusqu'à 55 et 59 cas, avant de redescendre fortement et de se stabiliser. Une baisse trompeuse. Depuis 2009, les suicides assistés ne sont en effet plus comptabilisés dans la même catégorie. L'Office fédéral de la statistique, suivant les normes de l'Organisation mondiale de la santé, considère désormais les suicides assistés comme des "décès suite à une maladie existante", résume le Conseil d'Etat, qui n'a pas été consulté lors de ce changement de méthodologie.
Or, le suicide assisté a connu une très forte progression ces dernières années dans le canton, passant d'une vingtaine de cas annuels jusqu'en 2010 à 59 en 2013 chez les plus de 65 ans, selon les données d'Exit Suisse romande. Vaud, qui s'est doté d'une loi cadrant cette pratique en EMS et dans les hôpitaux, est le canton romand où l'association compte le plus de membres et de demandes.
Le fait de ne plus prendre en compte cette réalité dans les statistiques générales dérange Céline Ehrwein Nihan. "C'est comme si le suicide devenait une mort naturelle pour les personnes âgées. Or, au-delà de la maladie et des souffrances physiques, ce choix cache aussi une douleur sociale et un sentiment d'inutilité, voire de gêne, face à la société. On peut faire davantage pour ces gens."
Plusieurs niveaux d'intervention
La tâche des collectivités publiques est complexe, autant que les maux liés au grand âge. "Derrière le suicide, c'est aussi la place, le rôle, l'insertion sociale des aînés qui sont questionnés" , relève Patrick Beetschen, chef de division au Service de la santé publique. Le gouvernement vaudois affirme toutefois sa volonté de "poursuivre et renforcer les mesures déjà entreprises dans le domaine".
Les axes sont multiples: dépistage des maladies mentales et du risque suicidaire, formation du personnel, appui aux proches aidants, amélioration de la qualité de la fin de vie, du bien-être et de la socialisation des aînés, etc.
"Nos programmes se déploient, s'élargissent, se réorientent. Nous devons constamment adapter le système de soins" , poursuit Patrick Beetschen. Il cite en exemple l'évolution des soins palliatifs, qui étaient à l'origine très axés sur les cancers et se redirigent aujourd'hui vers les maladies chroniques ou neurologiques. La politique "vieillissement et santé" n'est en place que depuis 2012, ajoute-t-il. "Certaines mesures produiront leur effet à moyen terme. Mais tous ces éléments contribuent à améliorer la prise en charge des personnes âgées."
MARIO TOGNI - LE COURRIER